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« Jusqu’à nouvel ordre » ?

Nouvel article  d’Agnès Bailly, psychologue psychanalyste.

Dans cette période inédite de confinement due à l’épidémie du Covid-19, les enfants ne vont plus à l’école, « jusqu’à nouvel ordre ».

 Si ce temps suspendu est une épreuve pour nous tous, cela est particulièrement difficile pour les jeunes enfants : comment se représenter le temps quand celui-ci ne peut plus se compter et qu’il s’étire, sans limite ? Nous ne savons même plus quel jour de la semaine nous sommes tant nos vies ne sont plus réglées comme avant par le battement maison/école/travail, nos différents déplacements et activités à l’extérieur.

Une fillette que je recevais la veille de la fermeture annoncée de toutes les écoles était très angoissée : « Mais qu’est-ce que ça veut dire jusqu’à nouvel ordre ? » répétait-elle en boucle. Il ne s’agit nullement ici d’un défaut de « compréhension » mais bien d’un impossible à supporter. C’est ce que la psychanalyse appelle le réel : ce qui est sans loi, ce qui vous tombe dessus, ce qui n’a pas de sens, ce qui vous échappe. C’est comme si nous avions à faire tout à coup à un Autre, capricieux, tout-puissant, non régulé, qui décide de tout à sa guise et qui nous laisse dans un grand désarroi face à l’illimité. 
Alors, comment expliquer à son enfant ce qui se passe lorsque l’on se retrouve dans la même situation que lui, sidéré face à ce qui nous est tombé dessus sans prévenir ? Et comment réintroduire un peu de temporalité dans tout ça ? On le sait bien, les enfants aiment tous les rituels qui organisent leurs vies. Et s’il arrive qu’un jour on rate cette chose pourtant fixée et qu’il attend – parce qu’un imprévu s’est mis en travers de la route ? Ce sera l’occasion de lui dire que l’on ne peut pas tout et que l’on ne sait pas tout. Ça les soulage beaucoup que les adultes ratent aussi des choses !

Parions qu’à la place du savoir absolu qu’il n’y a pas, pourra venir se loger, dans ce vide, une petite dose d’invention personnelle. Dans ce domaine, les enfants nous montrent la voie. Et si ces moments de surprise où nous nous découvrons autre à nous-même et plutôt inventifs devenaient notre boussole pour faire avec ce nouveau C.D.I, Confinement à Durée Indéterminée ?

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Agnès Bailly, psychologue psychanalyse,
Membre de l’École de la Cause freudienne,
75010 Paris